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UNE GRAINE QUI POUSSE

 

 

3 décembre 2010. Théâtre de la Montgolfière – Vaucresson. Première représentation de Ourra. Nous sommes installés avec Matthieu au fond de la salle sur une petite table, préférant laisser Yannick, notre ingé lumière, en haut dans la cabine, trop exiguë pour nous 3.

Je donne instruction à ce dernier de baisser la lumière de la salle, je lance la bande son. C’est parti. L’aventure commence. Comment imaginer à cet instant où elle nous mènerait ?

L’aventure a commencé plus tôt en fait. Beaucoup plus tôt. 3 ans de préparation avant d’en arriver là. Tout a commencé par une réunion où je convie 7 amis : "J'ai un projet, vous en êtes ?" A ces premiers "oui" viendront s'en ajouter beaucoup d'autres. Je me souviens aussi d’un soir, quelques mois avant cette première, assis sur un tabouret dans mon sous-sol. Le projet prend corps. Nous allons aller au bout.  Un moment d’arrêt, une pensée me surprend et traverse mon esprit. « Si ce projet se monte, cela va secouer !». « A la mesure de ce qu’il portera comme fruit ». Les combats sont donc venus. De tous ordres. Car nos aventures ont porté du fruit, beaucoup. Au-delà de ce que l’on pouvait imaginer.

J’avais dit au départ à la troupe que si nous n’avions qu’un spectateur mais qu’il se convertisse nous n’aurions pas perdu notre temps. « Pas très vendeur ton truc » avais-je entendu.

Nous avons tant reçu.

Des dizaines de milliers de spectateurs, des salles quasiment toujours pleines, certaines remplies en un temps record. Et puis choses encore plus inhabituelles : des témoignages inouïs, nous dépassant. Des conversions. Nous les avons vu, lu, entendu. Des cadeaux pour l’éternité. Que se passe t’il ? Que déclenchons-nous ? Comment recevoir tout ça ? Comment accueillir tous ces cadeaux ? Par la prière, bien sûr. Elle restera la colonne vertébrale de toute notre aventure.

Après les premières représentations proches de nos bases, Montfermeil le 30 avril 2011.

Grâce à Thomas Binot nous investissons la salle polyvalente, faiblement équipée. Qu’importe. Nous sommes armés de la volonté de sortir des zones géographiques et sociales habituelles et confortables. Au moment du chant final, je me glisse dans le public au milieu de la salle. Je regarde, j’écoute. Je savoure pour la troupe l’enthousiasme habituel (non on ne s’y habitue pas) du public. Soudain, telles des fleurs lancées aux comédiens, des « Merci » hurlés, jaillissent de la salle. Je tourne la tête, essaye d’en voir la provenance. Mais il en vient maintenant de plusieurs endroits. Et cette pluie d’effusions me fait monter les larmes aux yeux. Oui, que se passe-t-il pour déchainer tant de choses ? Montfermeil restera une soirée inoubliable.

A Rueil, ou peut-être à Versailles, une femme remontera l’allée pour sortir quelques minutes après le début du spectacle. Béatrice la rejoint. « Vous partez ? Vous n’aimez pas ? ». « Je ne peux plus entendre ça ! » répondit elle, avant de s’évanouir dans la nuit. Le constat est là. La parole de Dieu rejoint les cœurs. Je reçois avec la même émotion les « Merci » de Montfermeil ou la réaction de cette femme. La parole de Dieu rejoint chacun là où il en est. Elle ne laisse pas indifférent. Elle dérange. Elle bouscule. Elle console. Elle rassasie. Elle comble.

Le Zénith de Toulon restera LE tournant. La décision prise en trois minutes par Monseigneur Rey de nous accueillir pour ouvrir la semaine d’évangélisation du diocèse en mai 2011, nous donne l’opportunité pour la première fois de déployer le spectacle sur une scène jusqu’à 5 fois plus grandes que celles de nos premières représentations. Plus de 2000 personnes. Une ambiance incroyable. Le Seigneur a aussi vu grand pour nous.

Ceci nous permettra de faire à plusieurs reprises le Palais des congrès de Paris, puis l’Olympia. Enjeux importants pour la crédibilité de notre spectacle, mais aussi pour ceux qui viendront derrière nous. Une fois dépassé « l’a priori » de l’amateurisme, souvent lié aux productions « catho », les équipes techniques et commerciales nous accordent leur confiance. Elles ne le regretteront pas. Ces salles sont remplies en un temps vertigineux et grâce à l’expérience de Toulon nous sommes maintenant capables de monter de façon professionnelle le spectacle en une journée.

A ceux qui encore aujourd’hui souhaitent me rencontrer pour apprendre, ou essayer de comprendre comment nous avons fait, je réponds inlassablement : « Grâce à l’Esprit Saint ».

Invariablement mon interlocuteur esquisse un sourire. Celui qui fait comprendre que la réponse est belle, très belle, mais qui dans le même temps, sans mot, me dit : « non mais sérieusement, comment avez-vous fait ? »

Etonnant. Ces gens n’ont pas dû voir Ourra… Et continuent peut-être à s’imaginer que l’Esprit Saint n’est qu’un esprit, un état gazeux, un décorum catho… que sais je ?

Comment pourtant expliquer la première distribution d’Ourra ? 40 rôles attribués du premier coup en ne connaissant qu’un quart des gens rassemblés ? (sans presque aucun changement par la suite) Comment expliquer les témoignages ? Les conversions ? Comment expliquer, sur Malkah, avoir réussi à changer le rôle-titre dans l’urgence à cinq jours d’une représentation au Palais des congrès ? Comment expliquer l’absence d’éclats de voix dans notre vie commune de près de 10 ans ? Comment expliquer l’invraisemblable coupure de courant sur un final qui fit terminer les chanteurs a capella et qui retombèrent pile sur leurs pieds une minute plus tard quand le son fut revenu ? Comment expliquer le montage de Ourra au Togo par un groupe de jeunes issus d’ethnies différentes et opposées, qui aboutit à de multiples échanges de pardon ? La liste est longue et chacun des participants pourra la compléter. Elle fera quelques pages…. L’Esprit Saint ! Comme pour les premiers apôtres que nous avons joué sur scène, L’Esprit Saint est à l’œuvre. Il a cimenté, consolé, encouragé, développé, consolidé notre communauté. Il l’a porté. Nous en sommes tous témoins.

Et puis il y eut les combats. De tous ordres. J’en ai vu venir, d’autres pas. J’ai souffert. Nous avons souffert. Ces années m’ont changé. Jean François a eu cette belle phrase : « nous avons grandi ensemble ». Oui. Dans tous les sens du terme. Là aussi l’Esprit Saint nous a guidé nous a relevé. J’ai souvent eu le sentiment de mettre un genou à terre.

Malkah se produisit dans le fracas d’une actualité violente. Charlie Hebdo. Le Bataclan. Nous fûmes l’objet de menaces. Des policiers en civils dans la salle pour l’une de nos représentations. Notre dossier suivi, pour des questions de sécurité, par le cabinet du premier ministre… Dans quel monde sommes-nous ?

Mais l’Esprit Saint m’a à chaque fois remis debout. Nous avons accueilli la vie grâce à de nombreuses naissances au sein de la troupe. Nous nous sommes réjouis ensemble. Nous avons partagé nos peines et nos fardeaux. Nous avons pleuré ensemble.

Tout ceci ne fut possible que par la prière : notre colonne vertébrale. Indispensable fil rouge de nos aventures. Oui c’est bien grâce à elle que nous avons pu vivre cette expérience hors du commun.

A mes interlocuteurs je répondrai donc toujours que je n’ai pas de recettes de « réussite ». La seule indication que j’ai pu donner au départ était que « quand on sert Dieu il faut donner le meilleur de soi même ». J’ai été entendu. Mon émerveillement et mes remerciements pour les talents, la volonté, l’abnégation, le travail, l’assiduité de tous, ne s’éteindront jamais dans mon cœur. Je n’aurais jamais pu espérer autant. Nous avons grandi ensemble. Parfois dans les difficultés, mais toujours dans la sérénité et la joie de se retrouver et de partager.

Je repense aux paraboles de l’évangile. Le Royaume des cieux est semblable à un homme qui sème, à une graine qui pousse, à du levain qui lève, à un homme qui cherche, à un filet de pêche jeté … Jésus utilisait des paraboles pour faire comprendre à la foule ou à ses disciples. En bon pédagogue il usait de ces illustrations tirées du quotidien. Bien qu’elles soient inscrites dans une époque et dans des lieux différents de ceux que nous connaissons, elles nous parlent. Je crois aussi que la multiplicité et la diversité des exemples choisis par Jésus nous signifient que le Royaume est visible. Il est là. Il s’inscrit dans le quotidien de nos vies. Hier comme aujourd’hui. Il nous invite à le voir. Nous pouvons ainsi dire qu’une part de ce que nous avons vécu dans OURRA et MALKAH est semblable au Royaume des cieux.

Et c’est je pense l’une des raisons pour lesquelles toutes les personnes d’horizons pourtant parfois très différents, qui nous ont rejoints, s’y sont senties bien. C’est aussi l’une des raisons du succès. L’une des raisons aussi pour laquelle nous avons eu d’aussi touchants retours de toutes les associations invitées (l’APA, Habitat et Humanisme, OAA, Foi et Lumière, Ordre de Malte, Aux captifs la libération, Petits frères des pauvres, Handicap International, Fondation Jérôme Lejeune, Secours Catholique, Emmaüs..) , plusieurs milliers d’invitation pour toucher des gens ne pouvant tout simplement pas se payer une place de spectacle dans les plus belles salles de Paris.

Nous avons maintenant tout bien rangé. Les costumes, les décors, les accessoires. J’y étais attaché.

« A quoi tout cela va t’il servir ? » me demande-t-on. Dieu seul le sait.

Et cette unique raison justifie que l’on remette tout bien en ordre.

Avons-nous tout bien fait ? Bien sûr que non. Avons-nous fait des erreurs, moi le premier ? Bien sûr que oui. Mais même si notre chemin est semé de maladresses, Dieu les transforme. Il ne nous demande pas de garder les yeux rivés sur la boue de nos chaussures, cela nous empêche de lever les yeux vers le ciel. 

Et maintenant ? Comme depuis le début il faut nous laisser guider par le souffle de l’Esprit. Il nous a tant appris. Il nous a tant donné.  Et puis comme nous l’avons fait si souvent il faut continuer à LUI rendre grâce, à LUI parler, à LE questionner.

« Voici je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte j’entrerai chez lui » (Apocalypse 3 :20).

Oui il n’y a maintenant qu’une chose à faire. Prier.

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